OpenBazaar est donc en ligne depuis le 5 avril. Je ne peux pas dire que j’attendais l’événement avec fébrilité : j’avais certes déjà entendu parler de ce projet de ci de là, je me souviens vaguement avoir lu des articles à son sujet qui n’ont certes pas laissé une empreinte indélébile dans ma mémoire déjà largement surchargée et le plus souvent saturée de vapeurs éthyliques. Tout ça pour dire que le jour J je n’étais tout simplement pas au courant.
Dans un des rares moments de désœuvrement que m’a laissé l’activité fébrile de ces derniers jours, pris de curiosité j’ai téléchargé le client (Windows bien sûr, qu’attendiez-vous de la part d’un mandarin/juif niv.3 avec +10 de base en mauvaise foi ?). L’installation ne prend que quelques instants, le temps de configurer deux ou trois trucs et on entre dans le bazar.
Première impression plutôt positive : je m’attendais à tomber sur une interface austère et à galérer dès le début, et j’ai trouvé quelque chose de plutôt sympa et intuitif. L’interface est colorée et claire, et on peut la personnaliser de façon assez poussée.
En termes de fonctionnalités, on prend vite ses marques, même pour un handicapé des réseaux sociaux comme moi : chaque utilisateur a sa petite page perso, sur laquelle il peut se présenter, donner diverses informations de contact (mais rien d’obligatoire), et surtout ouvrir un “magasin” dans lequel seront listés les biens et les services proposés (c’est quand même pour ça qu’on est là).
La première chose à faire en arrivant est de cliquer sur “découvrir” (ou de faire ctrl+d), ce qui nous amène sur une page listant un peu pèle-mêle tout ce que les utilisateurs proposent en ce moment. A ce moment-là, le choix des items proposés est encore aléatoire. Je scrolle un peu et rapidement une offre retient mon attention. Je clique, regarde le joli écran de loading OpenBazaar, ça charge trois plombes et… rien. Inconvénient de la décentralisation, lorsque les utilisateurs sont hors-ligne, leur magasin l’est aussi, et il n’est plus possible de s’y connecter.
En contrepartie, cela fait des opportunités de business pour ceux qui voudraient offrir un hébergement sur un serveur 24/24.
Qu’à cela ne tienne, après tout j’ai le choix, et si j’achetais… une cartouche de cigarettes moldaves, tiens ? Et comme j’ai besoin de beaucoup de cigarettes, je vais “suivre” le magasin. Ce mécanisme de “follow” est vraiment le bienvenu pour ne pas perdre trop facilement la trace d’un magasin, et voir d’un coup d’œil sur la même page toutes les boutiques déjà repérées. En fait, il est d’autant plus nécessaire que le moteur de recherche semble avoir besoin de quelques améliorations, il m’est arrivé plusieurs fois de ne rien trouver avec un mot-clé dont j’étais pourtant absolument certain (“cigarettes” ne renvoie pas toujours vers le magasin en question).
OpenBazaar est encore bien jeune, et il ne faut pas s’attendre à trouver autant de choix que sur Amazon ou Taobao. Néanmoins, je prends pour l’instant beaucoup de plaisir à flâner au hasard, d’autant plus que tous les jours apportent son lot de nouveautés. Étonnamment, il n’y a même pas tant de drogue et de porn que ça, les journalistes adeptes des articles anxiogènes sur le darkweb et les terroristes qui achètent des AK-47 en bitcoins en seront pour leurs frais.
Quant à la partie achat à proprement parler, elle s’effectue évidemment en bitcoins, avec un intéressant système de modération : vous avez la possibilité de choisir un intermédiaire qui va prendre le montant de la transaction en séquestre, et ne l’envoyer au vendeur qu’une fois que l’acheteur aura confirmé que la transaction s’est bien passé. En cas de litige, c’est ce modérateur qui intervient et tente de dénouer la situation contre une commission (généralement 1% de la transaction).
Autre opportunité de business : on voit d’ores et déjà fleurir les annonces de modérateurs, qui se présentent le plus souvent comme juriste ou avocat.
Pour conclure, je vais laisser de côté les considérations philosophiques pour un autre article, et je vous invite fortement à télécharger le client et à tester par vous-mêmes. Pour vous convaincre voici un petit florilège des ventes qui m’ont tapé dans l’œil :
Si vous ignorez à quoi sert le Daflon, vous avez bien de la chance. Pour les autres, vous serez heureux d’apprendre que vous pouvez l’acheter en bitcoins par boîte de 60.
Geste symbolique, ou bien dérisoire, toujours est-il que les bitcoiners semblent particulièrement nombreux à vendre des billets de banque, comme autant de reliques du passé ou d’objets de collection. Beaucoup de dollars américains, mais aussi quelques surprises, comme ce billets de 100 trillions de dollars zimbabwéens. Avertissement pour l’avenir, et invitation à enfin revenir à des bases monétaires saines ?
Le vendeur fait aussi des prix de gros, au cas où…
Les fameuses cigarettes moldaves dont je parlais tout à l’heure.
Et enfin, mon petit préféré : vous pouvez acheter un bouc pour un paysan kenyan, qui va l’élever et le vendre, puis vous partagerez les profits. C’est beau le capitalisme en action.