L’empereur l’a dit : “nous sommes en guerre” et “les terroristes nous ont attaqué parce que nous sommes un pays de liberté”. Conséquence logique : l’Auguste fait tout ce qui est en son pouvoir pour éradiquer tout ce qui reste de liberté sous le ciel afin de gagner la guerre contre les vils mahométans.
Il n’y avait guère besoin de payer les services d’un Scapulomancien pour deviner la suite des événements : tout se passe exactement comme prévu.
Face à la simple juxtaposition des événements de ces derniers jours, tout commentaire devient superflu. Le tableau qui s’esquisse est édifiant, et jette une lumière disons différente sur les véritables motivations de ce qui fut jusqu’à assez récemment un empereur que l’on pouvait considéré comme vaguement légitime à défaut de reconnaître sa compétence, et qui ressemble de plus en plus aux tyrans 桀紂, le pittoresque du folklore populaire en moins et la froide efficacité d’une bureaucratie moderne en plus.
Sage parmi les sages, chroniqueur infatigable de la lente décrépitude du Falanxi, mon aîné H16 a déjà listé l’essentiel dans un réquisitoire aussi lapidaire qu’implacable, auquel il n’y a en soi rien à ajouter.
Il y a certes les opérations militaires extérieures qui vont s’intensifier, comme après chaque attaque de grande envergure ces 15 dernières années, ça ne surprendra personne. Mieux, nombreux sont ceux qui réclament cette intervention, avec la hargne de ceux qui savent qu’ils n’auront pas à porter les armes. Tout le monde a l’air de s’être donné rendez-vous sur la tête de ces pauvres syriens pour s’expliquer, et avec une telle concentration de gros jets, de bombes et de faux-culs irresponsables dans un si petit espace, une bévue est vite arrivée, n’est-ce pas ?
Mais non, tout va bien se passer, avec l’aide de nos ennemis alliés russes, le Charles de Gaulle va buter tous les terroristes en Syrie, c’est évident.
Tout aussi évident que, parce que la plupart des terroristes de vendredi 13 étaient français, foutre des bombes sur les Syriens va résoudre le problème. Comme en Afghanistan, comme en Irak, comme en Lybie. Habile.
Il y a aussi le renforcement de la sécurité intérieure, qui dans un premier temps sert surtout à interdire les manifestations, car dans le Falanxi les sujets aiment tellement leur empereurs qu’ils passent leur temps à se réunir par milliers dans les rues pour le dire. Ce que voyant l’Auguste Papa leur a formellement interdit de lui crier leur amour à plusieurs dans un endroit public, car avec des loups encore en liberté il n’est guère prudent de laisser les brebis s’égailler hors de leur enclos. Première victime : les médecins qui avaient justement prévu une grande série de rassemblements festifs en l’honneur du Papounet Céleste. Tant pis, ce sera pour la prochaine fois, les médecins manifesteront plus tard leur joie de voir la loi Santé passer en force.
On essaie également de nous faire prendre le modeste spasme post-mortem de sa cote de popularité pour un habit impérial enfin à sa taille, négligeant que ce modeste sursaut lui permet tout juste de sortir la tête de l’abîme d’impopularité dans laquelle il se vautre depuis le début de son règne, et que pour reprendre une expression typiquement de chez vous, il reste encore bien plus proche de la Roche Tarpéienne que du Capitole.
Enfin il n’aura pas fallu longtemps pour voir des têtes familières sur le banc des accusés : la cryptographie grand public (même si les terroristes n’ont selon toute vraisemblance qu’utilisé des bêtes textos pas cryptés du tout), Bitcoin et les cryptomonnaies (même si une simple opération de calcul mental à la portée d’un enfant de 6ème de terminale permet d’écarter immédiatement l’hypothèse que Bitcoin puisse jouer un rôle de quelconque importance dans le financement du terrorisme. En revanche on a plus que des soupçons sur l’utilisation d’euros et de dollars, et quelques pays qui ne font guère mystère de leur approbation des terroristes ne seront pas inquiétés le moins du monde), le cash (“Si des terroristes parviennent à commettre des attentats, c’est parce qu’ils peuvent se procurer les ressources financières pour ce faire, en France et à l’étranger” dixit Sapin. Conséquence : toi qui n’a rien fait, on va encore t’abaisser le plafond pour les paiements en liquide, ça t’apprendra) et enfin, last but not least, le contrôle des armes (puisque les terroristes ont commis leurs attaques avec des armes achetées illégalement, on va punir… les gens qui achètent une arme légalement. Logique. On va peut-être même leur confisquer, car on vivra tous plus en sécurité sans armes… mais on va quand même en donner aux policiers municipaux. Imparable.)
Tout ceci peut paraître étrangement décousu et constamment à côté de la plaque. “Obscène”, “idiot” ou “pathétique” sont quelques mots entendus pour qualifier ces mesures. Et pourtant, prises toutes ensembles, elles pointent toutes dans la même direction : l’empereur est l’ennemi auparavant secret, et désormais quasiment déclaré de ses sujets. Toutes ces mesures hétéroclites ont en commun d’être une agression contre vous, loyaux sujets du Falanxi, une agression contre votre liberté, une agression contre votre sécurité, et bientôt sans doute une agression contre votre vie-même.
L’empereur se fout des 130 morts de vendredi 13, de tous les morts passés et de tous les morts à venir. Il se fout éperdument de vous, de vos vies, de votre sécurité, que vous viviez bien ou mal, libres ou non. Il se fout des terroristes, de ce qu’ils veulent, d’où ils viennent et de pourquoi ils vous tuent, tant qu’ils vous tuent vous et ne s’en prennent pas à sa personne. Il ne fera rien pour vous protéger réellement, améliorer votre sécurité, ou empêcher le prochain vendredi 13. D’ailleurs, en dépit de tous les discours sécuritaires tout droit sortis des brochures du Front National dont on ne sait plus s’il faut le vomir ou saluer sa lucidité, la réalité est plus… ironique.
Et oui, manifestement le gouvernement a besoin de plus de fric pour se coordonner, et la police croule sous le pognon, c’est bien connu.
La seule véritable menace, c’est celle que vous faites peser sur son pouvoir, et donc sa capacité à vous soutirer le nécessaire pour vivre comme un prince en ne faisant rien. Moloch a faim : c’est tout ce qu’il y a à savoir désormais.
Toutes les mesures soi-disant prises pour votre sécurité s’expliquent beaucoup mieux s’il s’agit de vous dissuader de secouer le joug, et de vous retirer les moyens-mêmes de le faire.
Peuples du Falanxi, l’empereur est tout nu, et il ne vous manque plus qu’une voix pour le crier suffisamment fort, et dissiper l’illusion morbide dans laquelle les récents événements semblent vous avoir jeté.
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